Trois temps dans la vie du jardin. Après les fleurs de printemps, aux couleurs de dragées, les fruits étalent leurs orgie . De la vivacité aux tons soutenus, des fruits de fête, un peu stridents, à ceux plus lourds des festins graves.
D’abord acides, rafraîchissantes, des cerises aigres font venir la salive à la bouche. C’est la fin du mois du juin et le début des promesses.

cerises aigres, acides et fraîche comme un glaçon sur la langue

Elles jouent avec l'ombre des feuilles pour se rendre plus aguichantes encore…
A peine quinze jours passés, le monde du jardin a changé. Les oiseaux ont dépecé les cerisiers où ne pendent plus que des noyaux, dérisoires et noirs, squelettes secs qui n’évoquent plus, même de loin, la petite vermillon.
L’herbe du champs a pris ses tons de chaume, balayée, crissante de courtinières et de grillons. Sous les arbres, les abricots commencent à tomber, meurtris, lourds. Paniers à la hanche, on les cueille avec légèreté, la main en corbeille pour amortir leur chute. Ils tombent au moindre effleurement des branches. La cuisine embaume des premières confitures. C’est vraiment l’été, avec un goût de vacances et d’enfance.

Un peu de buée rose, comme une émotion. la peau est douce, veloutée, promesse de bonheurs sucrés. A l'image des gourmandises qui laissent repus, heureux et sans autre envie que de humer longuement les odeurs de sucre et de jus.
Paniers d’osiers, patience des gitans qui font rouiller leurs joncs au bord de la rivière, fruits de chaleur. Les jours prennent leur temps paisible. Il suffit de se laisser déguster images et parfums, avec paresse.

Passent encore une quinzaine, le temps de laisser le jardin murir en paix ses secrets de sucre et d’arôme. Et près du mur, ce sont les abeilles qui nous alertent. Elles se grisent dans la chair éclatée des prunes. Elles s’acharnent, paquets nerveux qui vrombissent, armées déterminées de petites ouvrières tout à la joie d’œuvrer sérieusement. Les prunes ont fait leur sucre et leur parfum, elles tendent leur peau et la craquélent sur une chaire boursoufflée et blonde au moindre changement de temps. Une pluie d’orage, vite, ramassons les belles. Demain, sous l’arbre allégé, il flôttera comme un parfum d’alcool levé des fruits piétiné et brunis.
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